Quand les devoirs et les leçons enseignent l'autodiscipline

Chronique
portrait-danielle-verville

Danielle Verville

Danielle Verville, mère de quatre filles, a survécu à plus de 10 ans de coordination de devoirs et de leçons de ses enfants, et ce, tant au primaire qu'au secondaire. 

Sur le marché du travail, on gère par les résultats.

On a des objectifs et des cibles de productivité à atteindre. On élabore des plans d’action et des échéanciers. On suit une formation pour mieux gérer notre temps par-ci et une autre pour optimiser les ressources par-là.

Puis, arrivent les résultats. On les évalue… pour les améliorer. Toujours. Alors, on recommence à se donner des cibles de productivité à atteindre. On élabore des plans d’action et des échéanciers.

Et ainsi de suite.

Fille devoir

L'école primaire

L’école primaire, ce n’est pas ça. Mais pas du tout.

Nous ne devons pas considérer les devoirs et les leçons comme faisant partie d’un plan pour que nos enfants obtiennent de meilleures notes. D’ailleurs, ils ne sont pas nécessaires à la réussite scolaire. Plusieurs écoles primaires en ont déjà fait la preuve.

Mais ce n’est pas parce qu’ils ne mènent pas directement à des résultats tangibles et quantifiables qu’il faut les abolir pour autant. Les devoirs et les leçons demeurent un levier incontournable de la persévérance scolaire, pour ne pas dire le facteur de réussite par excellence pour les études secondaires et postsecondaires.

Résultats versus autodiscipline

L’action de s’asseoir pour faire des devoirs et étudier ne doit donc pas être directement associée aux résultats scolaires. Elle doit être faite pour elle-même.

Pour ce qu’elle est, soit un moment d’arrêt et d’autodiscipline dans le tourbillon du quotidien. Et ça, c’est difficile tant pour les enfants que pour les parents que nous sommes.

Apprendre à mes enfants à s’asseoir dans le calme, à s’organiser, à s’autodiscipliner et à devenir autonomes sont des habiletés qui leur serviront dans toutes les sphères de leur vie. Aussi bien leur apprendre à le faire le plus tôt possible, que cela améliore les résultats du prochain bulletin ou non.

Je me souviens d’un samedi matin où l’une de mes filles de deuxième année ne voulait pas faire ses devoirs. Comme je travaillais à temps plein, on se débarrassait des devoirs le samedi pour n’avoir « que » les leçons à faire pendant la semaine. Elle n’avait que six mots à copier avant de retourner jouer avec ses sœurs.

Six mots et ce fut l’apocalypse. À 9 h du matin.
Elle criait et criait. Lançait son cahier. Vidait son étui à crayons. Barbouillait sa feuille. « Tu comprends pas! J’suis pas capable! » Puis, un crayon revolait sur le mur et un autre. « L’enseignante accepte les devoirs non faits! » Une petite crise de bacon sous la table. « Je veux jouer! C’est pas juste, mes sœurs ne font pas de devoirs, elles! » Difficultés respiratoires feintes. « Je n’ai plus de vie! Ça va me prendre des heures! »

J’ai ma journée, ma belle!

La crise était si intense que mon conjoint a dû sortir les autres enfants de la maison pour la matinée. Mais contrairement aux soirs où je perdais mon calme et abandonnais la partie, je restais assise devant elle, stoïque. Une tasse de café à la main, je lui interdisais de se lever tant que les six mots n’étaient pas « bien » écrits :

J’ai ma journée, ma belle! 

Nous sommes restées là trois heures, yeux dans les yeux.
Comme dans le duel final des deux cowboys dans Il était une fois dans l’Ouest. Puis, elle a pris son crayon et a écrit ses mots en cinq minutes avec une jolie calligraphie que je ne lui connaissais pas.

Trois heures pour six mots. Un véritable morceau d’anthologie dans notre vie familiale.

Cette semaine-là, ma fille n’a pas eu de meilleures notes, mais elle a compris que, pour ses parents, les devoirs et les leçons, c’est important.